Mes parents ont quittés Montréal hier soir. C’était leur 2ème séjour de l’année. Ils seront restés un peu plus de 3 semaines avec nous. On a visités, on s’est balladés, on a rit, on a sourit, parlés un peu, admirés beaucoup. On s’est chicanés parfois. Reste dans nos coeurs et nos mémoires les bons moments, les autres on les gomment.
Pourtant la réalité d’une immigrante est bien là. Que ce soit vos parents, votre famille, vos amis, …la relation que vous avez avec eux, s’en trouve forcément un peu modifiée. Ces gens qui faisaient quelques fois votre quotidien, votre clan, tout à coup vous passez 6, 9 mois, 1 an ou plus sans les voir, sans les toucher. Vous avez plus ou moins de leurs nouvelles mais vous ne partager plus ces petits instants anodins de leur vie, ils ne sont plus là dans votre quotidien.
Puis tout à coup, comme une tornade de bonheur, ils sont là. A Trudeau vous les attendez, vous piétinez et vous voyez ces visages si familiers, ils n’ont quasiment pas changés, c’est un peu comme si vous vous étiez quittés hier. Ils poussent leurs valises le long des cordages verts. Le premier regard, les yeux un peu mouillés. Vous avez vu une foule de gens se jetter dans les bras pendant que vous les attendiez, ça vous a ému. Puis c’est votre tour, cette fois-ci le calin est pour vous.
Pendant une coupe de jours, vous essayez de rattraper le temps perdu, y’a tellement à se dire, vous voulez mettre chaque minute dans un écrin de peur de regretter par la suite. Il faut se réapprivoiser quelques fois découvrir des traits de personnalité que vous ignoriez. Et c’est pas banal de vivre dans l’intimité de gens que vous n’avez pas choisi pour cela et pourtant qui vous sont si proches. Ça demande que le lien avec eux soit solide pour concilier vos habitudes et vos valeurs. Ce n’est par parce que vous les aimez que vous les connaissez dans leur intimité. Accepter que vos bulles se cotoient sans exploser c’est autre chose.
Vivre loin des gens qu’on aime, être immigrante c’est cette réalité là. De longs mois à penser, à se parler de se revoir et la confrontation soudaine, intensive, momentanée de vos bulles et toute la tension qui peut aller quelques fois avec. Des doutes, de la culpabilité peuvent survenir. Est-on vraiment proches, sommes nous vraiments amis, me manquent-ils autant que cela???… questions stupides. Parce qu’au fond c’est cette situation qui n’est pas habituelle, "normale". Les petites tensions, agacements, déceptions vont de paire avec le manque, la tristesse de vivre si loin d’eux le reste du temps. De cette frustration de ne pouvoir les avoir pour des choses aussi connes que leur montrer nos derniers achats, de ne pas pouvoir admirer la nouvelle décoration de leur home sweet home… ces choses que nous partageons au quotidien et qu’on ne voient que lorsqu’on ne les as plus.
Mais à vouloir rattraper le temps, on le perd. Le temps ne se rattrape pas, il se vit, ce qui est perdu l’est, rien ne sert de vouloir accumuler ces mois sans eux dans vos 3 semaines. Il suffit juste de vivre ces 3 semaines là, 3 semaines que vous n’auriez peut être pas si vous viviez encore à leurs cotés, tellement persuadés que le temps en leur compagnie vous n’en manquez pas. Tout cela je l’ai compris sur le trajet retour de l’aéroport, hier soir, cette nuit… après les voyages de mes parents, des mes amis.
Je pourrais vous parler aussi d’une autre réalité que j’espère ne jamais connaître, la perte d’un être cher. Pourtant cette question nous autres immigrants, on se la pose tous face à un ami malade, un grand parent âgé, à tous les accidents potentiels de la vie… En quittant notre pays, nos proches nous avons tous cette frayeur là, cette pensée là. Vais-je les revoir, est ce possible que ce soit la dernière fois,… ?
Quand on immigre, on sait que l’on met irrémédiablement de la distance entre eux et soi. Ça peut sembler égoïste mais on le fait pour soi, pas contre eux. Pour ne pas passer le reste de sa vie avec des regrets, à se dire si je l’avais fait. N’empêche on pense à eux, espérant, pensant qu’ils seront là à chacun de nos retours… On sait au fond de notre coeur que ca pourrait ne pas être le cas, on le sait mais on ne veut pas se le dire, sinon…
Sinon ce serait trop abominable d’imaginer un deuil à distance, loin d’eux, loin de ceux qui sont censés nous soutenir, que nous sommes censés épaulés. Avec toute cette culpabilité de ne pas avoir été là, d’en avoir pas assez profité.
Le temps ne se rattrape pas, il ne se perd peut être même pas, il se vit quelque fois autrement qu’on aurait pu l’imaginer. Ne voyez là aucune lamentation, juste le récit d’une réalité d’immigrante, d’une réalité que je ne soupconnais pas et qui doit etre vrai quelque soit le pays d’accueil… Je sais ma chance d’être française, de vivre au Québec. Je sais que je peux facilement et rapidement être près de ceux que j’aime, ce n’est pas la réalité de beaucoup d’autres…
Pensez a cela aux prochains doux moments avec les votres, ne gachez pas votre temps…vous ne savez pas celui qui reste…
Ps : bon anniversaire mon frère que j’aime, merci d’être avec nos parents le jour de leur retour, je vous aime…